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Faut-il recruter les professeurs autrement ? / Arnaud Gonzague
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A l'école de la République, les points ne sont pas seulement distribués aux élèves mais aussi tout au long de leur carrière, aux enseignants - presque exclusivement à l'ancienneté. Quand ils sont nombreux, ces points permettent d'améliorer leurs chances de rejoindre l'établissement de leur préférence. Ce qui a deux effets pervers: une sur-mobilité subie par les jeunes professeurs, qui se retrouvent plus souvent affectés dans les structures difficiles - autrement dit, en éducation prioritaire ; une sous-mobilité pour les expérimentés, dont le savoir-faire pédagogique est mis au service de "bons" établissements, donc des élèves qui en ont le moins besoin... Derrière ses allures égalitaristes, ce barème contribue non seulement à faire de notre école l'une des plus terribles reproductrices d'inégalités de tout l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement économiques), mais il dissuade les jeunes générations de rejoindre le navire de l'Education nationale. Voilà pourquoi depuis plusieurs années, certains tenants d'une "modernisation" se demandent s'il ne faudrait pas donner aux principaux des collèges et aux proviseurs des lycées le soin de recruter les enseignants sur entretien - pratique qui existe déjà, mais très marginalement. Cela permettrait, selon eux, de mêler davantage les générations d'enseignants, de donner plus de cohérence au projet pédagogique de l'établissement et de varier les tâches des profs. Mais les syndicats la refusent unanimement, entre autres parce qu'elle introduit des méthodes managériales du privé au sein de l'école publique. Saine vigilance ou frilosité ? C'est toute la question.
Voir le numéro de la revue «l' Obs, 2967, 02/09/2021»
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