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De l'égologie selon La Rochefoucauld / Eric Tourrette
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Les Maximes de La Rochefoucauld offrent des vues pénétrantes sur l'égologie, c'est-à-dire le discours de moi, sur moi, pour moi. Le langage que dépeint le moraliste est obsessionnel, compulsif. Inlassablement saturé par le même objet fascinant. C'est aussi un langage centripète, au sens où tous les discours, quel qu'en soit l'enjeu ponctuel, renvoient fondamentalement au même référent : le moi est ainsi contourné et désigné du même mouvement, par le jeu subtil de la métonymie. Au fond, dans ce langage morbide, le prédicat importe moins que le thème : dire du mal de moi, c'est déjà parler de moi, avec une complaisance enamourée. On peut penser que le genre de la maxime est particulièrement adapté à la description du phénomène, puisque par son impersonnalité constitutive, elle évite le reproche virtuel de céder à l'égologie sous prétexte de la dénoncer.
Voir le numéro de la revue «Littérature, 165, 01/03/2012»
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