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Kiarostami, l'enfance de l'art
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Dans le cinéma d'Abbas Kiarostami, l'enfance a souvent ce visage inquiet ou affolé, intérieurement tiraillé, fondamentalement préoccupé, et l'on peut s'en rendre compte dès ses films réalisés au sein du Kanoun, part la moins exposée de son oeuvre que Potemkine a l'heureuse initiative de rassembler en coffret. Redécouvrir ces films dans les belles copies restaurées en 2018 suscite l'éblouissement. Non seulement parce que le cinéaste iranien, disparu en 2016, y forge de fascinantes stratégies d'approche et d'évitement de la réalité qui vaudront pour la plupart des grandes oeuvres à venir, mais parce qu'il y dresse aussi un portrait frappant, résolument non compassionnel, de l'enfance comme crise permanente, jetée sans ménagement dans l'arène de l'expérience, acculée à se frayer un chemin dans un monde impénétrable. Le registre en grande partie pédagogique (et donc utilitariste) de la collection n'attente en rien à sa splendeur, et s'il y est question surtout d'apprentissage, c'est à chaque fois selon des termes ambigus : l'apprentissage étant, avant même de porter ses fruits, expérience de l'échec, du doute, de l'égarement, de la douleur, de l'adversité, du désarroi, du vide, de la solitude - en somme tout un travail par le négatif qui décape singulièrement l'âge tendre de sa légende dorée. Sommaire. Cas d'école. L'aventure du Kanoun.
Voir le numéro de la revue «Cahiers du cinéma, 776, 01/05/2021»
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